(B) la source
Les références fournies par les prologues ne donnent qu’une partie des sources utilisées dans la compilation. En effet, la source de l’histoire du Chevalier au cygne, qui occupe le premier livre, n’est pas indiquée: peut-être l’histoire est alors suffisamment célèbre et connue à travers différentes versions, pour que Desrey puisse se dispenser de la mentionner. Il s’agit en fait d’un texte proche du Chevalier au cygne et Godefroi de Bouillon (CCGB), remaniement en versdaté de 1356. Pour le troisième livre, l’histoire de Jean Tristan est empruntée à une partie du roman en prose de Baudouin de Flandre ou à la chronique universelle en prose du belge Jean d’Outremeuse, Myreur des Histors (voir notices). On notera que la chanson du Bâtard de Bouillon cite le nom de Jean Tristan (v. 6537), ce qui conforte l’hypothèse d’une chanson perdue sur Baudouin (Crist 1995).
Quant aux sources historiques alléguées dans le prologue du livre second, elles ne reflètent pas nécessairement la réalité. La Chronique Martinienne en latin de Martin de Troppau, augmentée de nombreuses continuations et traduite par Sébastien Mamerot, le Fardeau des Temps, traduction du Fasciculus temporum de W. Rolewinck, la Somme anthonine, chronique universelle, ne sont guère en cause, et le Miroir Historial de Maître Vincent Gale (le «Français») n’a probablement donné que quelques éléments. Les sources principales sont, outre les Grandes Chroniques de France, la Chronique de Guillaume de Tyr mais surtout sa Continuation dite Histoire d’Eracles; on doit signaler aussi quelques rencontres avec les Passages d’Outre Mer de Sébastien Mamerot. En fait, Pierre Desrey est essentiellement un compilateur qui n’hésite pas à tirer parti de sources différentes: le fait est particulièrement frappant lorsque, dans la dernière partie du troisième livre, il entrelace les données de continuations d’Eracles avec Baudouin de Flandre, mais il peut aussi, à certains moments, voler de ses propres ailes (Suard 1987).