notice rédigée par François Suard
(A) la prose
- auteur: anonyme
- dédicataire: non mentionné; il peut s’agir de Jean de Wavrin (vers 1400-vers 1475)
- datation: ante 1468 (inventaire post mortem de Philippe le Bon)
- Doutrepont 1939, pp. 255-259
- manuscrit unique:
Lille, BM, Godefroy 50
- organisation du texte
Le titre se lit dans la rubrique du chapitre I: «Cy commence le livre du des amours du chastellain de Coucy et de la dame de Fayel».
La matière est répartie en 76 chapitres de longueur diverse (de moins d’une page à 10 pages du manuscrit) ne comportant que quelques paragraphes signalés par une capitale; Babbi considère ces alinéas comme autant de nouveaux chapitres et parvient ainsi au chiffre de 88.
Deux insertions lyriques; la première (p. 28) correspond aux vv. 816-818 du modèle, la seconde (p. 29) aux vv. 848-855 (il s’agit des trois premiers vers et de la dernière strophe d’une des chansons les plus connues de Guy de Tourotte, «La doulce voix du rosingnol sauvage»).
Le bref prologue met en évidence la toute-puissance de Fortune, que la «piteuse adventure» qui va suivre illustre, sans que le contenu de l’œuvre soit annoncé de façon plus précise. Il n’est pas non plus question d’un modèle en vers translaté. Les six premiers chapitres sont consacrés à la naissance des amours de Renaud de Coucy et de la dame de Fayel, puis viennent le tournoi de la Fère et les exploits du Châtelain (ch. VII-XV). Pour éprouver la loyauté et la constance de Renaud, la dame lui donne un rendez-vous qu’elle n’honore pas (XVI-XXII), puis elle couronne l’amour de son prétendant, après un échange de lettres et une nouvelle attente imposée (XXIII-XXXIV). Une dame de Vermendois découvre le bonheur des amants et le révèle au seigneur de Fayel, qui en acquiert bientôt la preuve: Renaud et son amie se tirent de ce mauvais pas et se vengent de manière exemplaire sur la dame (XXXV-LV). Pendant quelque temps, les amants connaissent des bonheurs fugitifs grâce à l’habileté avec laquelle ils trompent le mari jaloux (LVI-LXII), mais Renaud se met au service de Richard d’Angleterre, et celui-ci décide de partir pour la croisade, au grand désespoir de son amie, alors que le seigneur de Fayel feint la maladie pour rester chez lui (LXIII-LXVIII). Renaud accomplit des exploits en Terre Sainte, mais est blessé mortellement; il meurt au cours de la traversée qui le ramène en France, après avoir fait promettre à son écuyer Gobert de remettre son cœur à son amie (LXIX-LXXII). Le seigneur de Fayel s’empare de la relique, la fait manger à sa femme qui meurt aussitôt de douleur (LXXIII-LXXVI). Pas d’épilogue ni de commentaire final du prosateur.
Le dérimage est proche du texte versifié (éd. Babbi, pp. 23-25), tout en manifestant une certaine liberté dans le traitement du modèle. On peut noter une tendance générale à l’abrègement, mais aussi la recherche de traits qui donnent aux événements, par des références historiques, et aux personnages, par la caractérisation psychologique, plus de vérité. A côté du souci de réel, le prosateur est animé par la volonté de provoquer l’émotion «par une écriture soutenue, qui peut aller de la présentation concise de l’essentiel à des modes d’expression plus complexe» (Suard 2002, p. 34). Monologues, dialogues et épîtres sont à ce titre particulièrement soignés, et si les insertions lyriques ont été pour la plupart supprimées, le registre lyrique est très présent dans les formes interlocutoires et dans la plainte amoureuse.
(B) la source
Jakemes, Le Roman du Castelain de Couci et de la Dame de Fayel (vers 1300), 8266 octosyllabes à rimes plates
(C) histoire de la prose
Résumé possible dans le ms Paris, BnF, fr. 5003, XVe siècle, ff. 257v-258v (éd. Babbi, n. 21, pp. 15-17), qui traite surtout de l’expédition en Terre sainte et de la mort du Châtelain et de son amie. Ce texte est repris par Claude Fauchet, Recueil de l’Origine de la langue et poesie françoise, ryme et romans. Plus les noms et sommaire des oevres de CXXVII. poëtes françois vivant avant l’an M. CCC, Paris, Patisson imprimeur du Roy, 1581, livre II, pp. 124-128.
(D) bibliographie
(1) éditions
A.M. Babbi, Le Roman du Chastelain de Coucy et de la Dame de Fayel: Lille, Bibliothèque Municipale, Fonds Godefroy 50, Fasano, Schena, 1994
A. Petit et F. Suard, Le livre des amours du Chastellain de Coucy et de la Dame de Fayel, Presses Universitaires de Lille, 1994 [avec reproduction en couleur des miniatures du ms]
(2) bibliographie critique
F. Desonay 1932a, «Nouvelles notes sur le Maître de Wavrin», in Revue belge de philologie et d’histoire de l’art, 2, pp. 309-321
F. Desonay 1932b, «Une œuvre fort peu connue du ‘Maître de Wavrin’. Contribution à l’histoire du dessin au trait, sommairement colorié, dans les manuscrits du XVe siècle, originaires de notre pays», in Gedenkboek A. Vermeylen, La Haye, Nijohff, pp. 409-420
Woledge 1954-1975, n. 34
A. Naber 1987, «Jean de Wavrin, un bibliophile du XVe siècle», in Revue du Nord, 69, pp. 281-293
A.M. Babbi 1991, «Un roman desrimez: le Roman du Chastelain de Couci et de la dame de Fayel», in Quaderni di Lingue e Letterature, 16, pp. 5-24
A. Naber 1991, «Le Châtelain de Coucy et Gilles de Chin: un couple inséparable?», in Publication du Centre Européen d’Etudes Bourguignonnes (XIVe-XVIe siècles), 31, pp. 175-181
D. Quéruel 2000, «La naissance des titres: rubriques, enluminures et chapitres dans les mises en prose du XVe siècle», in A plus d'un titre. Les titres dans la littérature française du Moyen Age au XXe siècle, Lyon, C.E.D.I.C., pp. 49-60
G. Roques 2002, «Les régionalismes dans les diverses versions du Chastelain de Coucy et de la dame de Fayel», in Richesses médiévales du Nord et du Hainaut, Presses Universitaires de Valenciennes, pp. 230-242
F. Suard 2002, «Le Chastellain de Coucy: du vers à la prose», in Richesses médiévales du Nord et du Hainaut, Presses Universitaires de Valenciennes, pp. 25-36
D. Quéruel 2003, «Tournois et romans d’aventure en Bourgogne au XVème siècle», in Le tournoi au Moyen Age, Cahiers du Centre d’Histoire Médiévale, 2, pp. 45-57
F. Suard 2003, «Les disparues, ou le sort des passages lyriques dans le Chastellain de Coucy en prose», in Bien Dire et Bien Aprandre, 21, pp. 373-386
M. Colombo Timelli 2004, «Pour une ‘défense et illustration’ des titres de chapitre: analyse d’un corpus de romans mis en prose au XVe siècle», in Du roman courtois au roman baroque, Paris, Les Belles Lettres, pp. 209-232
I. Arseneau 2015, «Les mises en prose de l’atelier du Maître de Wavrin: pistes et réflexions», in Les Centres de production des manuscrits vernaculaires au Moyen Âge, Paris, Classiques Garnier, pp. 201-215
A. Combes 2015, «Entre déférence et différence, les ambiguïtés de la mise en prose dans Le Livre des amours du Chastellain de Coucy et de la Dame de Fayel», in Réécritures. Regards nouveaux sur la reprise et le remaniement des textes, dans la littérature française et au-delà, du Moyen Age à la Renaissance, Toronto, Pontifical Institute of Mediaeval Studies, pp. 53-72
A. Combes 2016, «L’athanor de la prose (l’atelier de Jean de Wavrin)», in Le Moyen Français, 76-77, pp. 39-64
D. Quéruel 2017, «Réminiscences arthuriennes dans les romans de chevalerie du xve siècle: l’exemple des romans bourguignons», in Arthur après Arthur. La matière arthurienne tardive en dehors du roman arthurien, de l’intertextualité au phénomène de mode, Presses Universitaires de Rennes, pp. 477-489
A. Combes 2018, «La diversité des régimes de mise en prose dans l’atelier de Jean de Wavrin», in L’art du récit à la cour de Bourgogne. L’activité de Jean de Wavrin et de son atelier, Paris, Champion, pp. 151-165
A. Lambert 2020, «Les insertions versifiées dans les mises en prose épiques et romanesques», in Le Moyen Français, 86, pp. 27-49
M. Marchal 2021, «Figures de saintes dans le siècle: les portraits des héroïnes dans la Vraye histore de la Belle Flourence de Romme et les mises en prose bourguignonnes du XVe siècle », in Bien dire et bien aprandre, 36, pp. 167-194
R. Brown-Grant 2023, «L’œuvre enluminée du ‘Maître de Wavrin’: un corpus de romans bourguignons très original», in nord’, 82, pp. 45-63