notice rédigée par Sarah Baudelle-Michels


(A) la prose

- auteur: anonyme

- dédicataire: non mentionné

- datation: ante 1517 (editio princeps)

- Doutrepont 1939, pp. 207-208

- manuscrits:

Aucun manuscrit; la Conquêteestconservée uniquement dans des imprimés du XVIe siècle. Editio princeps:Paris, Yvon Gallois, 1517 (date du privilège)

- organisation du texte

Le prologue est consacré à l’éloge de la maison de France. Le texte est découpé en 54 chapitres précédés d’un long titre narratif. La mise en page de ces titres peut jouer sur la longueur des mots pour créer des effets de symétrie (longueur croissante, décroissante) sur le modèle de celui du premier chapitre: «comme l’empereur Charlemagne fist / faire ung sumptueux tournay a Pa/ris, auquel il fist mander et / publier a tous les / princes, ba/rons /et seigneurs / de son empire qu’ilz / s’y trouvassesnt : lesquelz / voulans obeyr audit Charlemaigne, / y vindrent en grand solomnité et en pom/peuse compagnie, comme cy aprés sera declaré» (f. 4v).

Chapitres 1-17: Récit de trois journées de tournoi à la cour de Charlemagne. Renaut venu incognito depuis Montauban y triomphe et rentre en grâce auprès de l’empereur. Chapitres 18-24: Le récit se transporte sur l’Olympe où Cupido, Vénus et Mercure se liguent contre Renaut et Maugis dont ils sont jaloux. Ils suscitent une nouvelle série de brouilles. Ganelon part en Espagne ourdir sa trahison. Chapitres 25-54: Combats et amours de Maugis à Chypre. Expéditions de Renaut (Gênes, Rome, Venise, Chypre). Sa victoire sur le roi d’Ethiopie lui permet d’être couronné empereur de Trébisonde.

Deux insertions lyriques aux chapitres 6 et 43. Le narrateur intervient ponctuellement pour conduire le récit: «et récite l’acteur» (10v), «Icy met l’acteur la geneallogie de Ganelon» (35v). Il est représenté par un bois intitulé «l’acteur» dans une image traditionnelle de moine copiste dans son atelier (5r). Il prétend suivre un récit relaté par l’archevêque Turpin (qui intervient par ailleurs dans le texte en tant que personnage): «Turpin l’archevesque recite l’extraction de ce traistre» (35v), «ainsi que dit Turpin» (36v), «Turpin poursuyvant son histoire recite que» (58r), «L’Archevesque de Rains en poursuivant son histoire dit que» (86r), «mais a tant laisse l’archevesque Turpin a parler de luy et de s’amye pour le present et poursuyt l’histoire du prince de Montauban» (145v-146r), «a tant se taist l’archevesque Turpin et insere en ses livres la trahison de Ganelon» (150v). L’édition de F. Arnoullet de 1583 (cf. infra) en tirera argument pour intituler l’œuvre La chronique de Turpin, archevesque et duc de Reims.

Les autres éditions du XVIe siècle (cf. infra) donnent le même texte à l’exception du prologue et de quelques aménagements.  


(B) la source

Aucune version manuscrite n’est connue. G. Gröber date cette source perdue du XVe siècle (in Grundriss der romanischen Philologie, Berlin – Leipzig, De Gruyter, II, 1937, p. 155), mais son existence même est sujette à caution.

On envisage également une source italienne: Trabisonda Historiata de Francesco Tromba (Venise, 1494), dont il existe une adaptation en espagnol: La Trapesonda(Salamanque, 1526). 

 


(C) histoire de la prose 

Cinq autres éditions au XVIe siècle:

(1) Paris, Veuve Trepperel, s.d. [1521-1525]

(2) Paris, Jean II Trepperel, s.d. [1528]

(3) Paris, Alain Lotrian, s.d. [1530]

(4) Lyon, Olivier Arnoullet, 1539

(5) Lyon, François Arnoullet, 1583

Le texte disparaît après le XVIesiècle sauf dans La Bibliothèque Universelle des Romans (juillet 1778, pp. 161-171) qui, à la suite des «miniatures» consacrées au cycle du Renaut de Montauban, résume l’histoire et donne les insertions lyriques du chapitre 6 ou du moins «le sens de cette Chanson qui dans l’original est très plate, et écrite en très-mauvais vers» (p. 167) (les strophes citées sont fantaisistes).

 


(D) bibliographie 

(1) La prose est inédite.

 

(2) bibliographie critique

L. Gautier 1894, Les Epopées françaises: étude sur les origines et l’histoire de la littérature nationale, Paris, Welter, II, pp. 628-631

Woledge 1954-1975, n. 144

F. Suard 1987, «Le développement de la Geste de Montauban en France jusqu’à la fin du moyen âge», in Romance Epic. Essays on a Medieval Literary Genre, Kalamazoo, Western Michigan University, pp. 141-161

F. Suard 2004, «Y a-t-il un avenir pour la tradition épique médiévale après 1400?», in Cahiers de Recherches Médiévales, 11 (numéro spécial: Entre Moyen Age et Renaissance: continuités et ruptures. L’héroïque. En hommage à Eric Hicks), pp. 75-89

P. Verelst 2006, «Mabrien: de la prose manuscrite à la prose imprimée», Ateliers, 35, pp. 55-67

M. Thorel 2007, «D'un ‘stile poeticque’ à l'autre: La Conqueste de Trebisonde source des Angoysses douloureuses», in Bibliothèque d'Humanisme et Renaissance, 69, pp. 21-54

Suard 2011, pp. 338-339

S. Baudelle-Michels 2017, «Les insertions arthuriennes dans la geste rinaldienne», in Arthur après Arthur. La matière arthurienne tardive en dehors du roman arthurien (1270-1530), Presses Universitaires de Rennes, pp. 121-135

A. Lambert 2020, «Les insertions versifiées dans les mises en prose épiques et romanesques», in Le Moyen Français, 86, pp. 27-49