(A) la prose

- auteur:anonyme

- dédicataire:non mentionné

- datation:seconde moitié du XVe siècle

- Doutrepont 1939, pp. 264-275

- deux manuscrits (sigles de Psichari):

(1) Paris, BnF, fr. 1490 (Z)

(2) Paris, BnF, Arsenal, 3476 (Y; ms de base pour l’éd. Concina)

- organisation du texte

Le Roman de Florimont a fait l'objet de trois mises en proses différentes. La première est conservée dans le manuscrit fr. 12566 de la BnF (voir notice), la troisième par des imprimés des XVIe et XVIIe siècles (voir notice); la deuxième est celle qui nous concerne ici.

Woledge (n. 61) mentionne une quatrième version, conservée dans le ms fr. 1488 de la BnF (Le Livre de Florimont filz du duc Jehan d'Orleans et de Helaine, fille du duc de Bretaigne), en précisant qu’elle paraît avoir moins de rapport avec le poème et semblerait être plus proche de Pierre de Provence et la Belle Maguelonne. Cette version a été récemment étudiée par C. Gaullier-Bougassas («Le Même et l'Autre, entre amour et croisade», in Cahiers de Recherches Médiévales et Humanistes, 20, 2010, pp. 89-105) et par M. Vuagnoux-Uhlig («Le ‘roman familial’ du Florimont en prose (ms BnF, fr. 1488). Miroir aux alouettes ou miroir de l’idylle?», in Cahiers de Recherches Médiévales et Humanistes, 20, 2010, pp. 107-123), qui ont confirmé que, à l'exception du prénom du héros, «aucune allusion ne relie l'intrigue à celle de l'aïeul romanesque d'Alexandre» (Gaullier-Bougassas 2010, p. 90) et qu'il ne s'agit donc pas d'un dérimage, mais d'une création originale du XVe siècle.

Il faut aussi signaler un fragment du Florimont en prose dont la version n'est pas identifiable, le manuscrit qui le contenait (Tours, BM, 954: recueil de textes divers, exécuté en France (Méjanes?) en 1358) ayant été détruit en 1940. Selon le Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France (Départements, XXXVII/2, 1905, pp. 690-692; voir aussi Jung 1996, p. 484) le fragment du Florimont se trouvait aux ff. 66v-67v.

La rédaction des mss Z et Y avait été jugée par Doutrepont «en étroite relation avec le poème» (Doutrepont 1939, pp. 264-275) et définie par Woledge «version fidèle» (Woledge, n. 59). En effet, c’est cette fidélité à la source qui distingue cette rédaction des autres.

Le roman est découpé en 321 chapitres, dont 6 dans le ms Y (ch. I, LXX, CIV, CXLIII, CCXCIII, CCCIII), et 3 dans le ms Z (ch. CXLIII, CCXCIII, CXLIII) sont introduits par des titres. 

Le nom d’Aimon de Varennes, le prologue dans lequel l’auteur déclare les circonstances de l’inventio, sont conservés, et la structure du récit ne s’éloigne pas, dans la séquence et dans l’organisation de la matière, du texte du XIIe siècle, sauf pour quelques abréviations et de légères modifications. Le remanieur ne donne aucun renseignement sur la destination ou sur les raisons de son travail de réécriture. Cependant, cette version, qui a été plusieurs fois mentionnée par les savants, a été très peu étudiée.

A partir du prologue, on observe que le remanieur suit de près son modèle, en reprenant le topos de l’histoire recueillie en Grèce, la traduction de l’original en français, l’indication du lieu où a été composé le roman – Châtillon, dans le Lyonnais – et le renvoi à l’exemplarité de la matière traitée.

L’écho des vers d’Aimon est très visible: tout au long du roman, les vers sont souvent entremêlés à la prose. Le récit original a subi aussi des abréviations, qui concernent par exemple la référence au temps mythique – comprenant une digression sur la fondation de Rome (éd. Hilka, vv. 126-128) – omise dans la prose, où l’on passe directement, après la laudatio temporis acti et l’éloge de la largesse, à l’histoire de Brutus et Madian, introduite par l’expression: «Or dit le compte que avant le temps d’Alixandre» (ch. III,1; éd. Concina, p. 88), qui reproduit le vers d’Aimon: «Devant le tens que je vos di» (éd. Hilka, v. 129). Une autre omission assez visible se retrouve au moment où les hommes de Philippe suggèrent au roi de se marier; la où le récit du XIIe siècle évoque le débat de l’assemblée des barons et le conseil de Damian, sénéchal de Philippe (éd. Hilka, vv. 911-954), le prosateur synthétise: «Et luy dirent moult d’autres bonnes parolles touchant le traitié dudit mariage, lesquelles seroint trop longues a racompter, si m’en passe quant a present» (ch. XXXII,8-9; éd. Concina, p. 106). Une simplification intéressante de la matière originale concerne les enseignements donnés par Flocquart à Florimont, lorsque le héros se plaint pour la perte de la dame de l’Ile Celée. Le mentor du jeune Florimont lui explique ainsi les «VII largesses» (éd. Hilka, vv. 4175-4358) – sorte de manuel du parfait chevalier –, dans une longue et savante digression, que l’auteur de la prose se contente de réduire comme il suit: «Si remonstra Flocquart a Florimont comment largesse estoit de maniere par plusiers beaux ensaignements qui trop longs seroint a racompter» (ch. CXXXII,12-13; éd. Concina, p. 176). Le dérimage se montre en revanche fidèle dans la reprise des informations géographiques données par Aimon, par exemple à propos du temps nécessaire pour la traversée des Dardanelles (éd. Hilka, vv. 165-169; éd. Concina, p. 89). On remarquera enfin que notre texte contient quatre insertions en vers tirées directement du Florimont d’Aimon de Varennes (éd. Hilka, vv. 8053-8136; vv. 8949-9036; vv. 11170-11196; vv. 12922-13002), toutes en rapport avec l’amour: plainte de Florimont amoureux de Romadanaple; monologue intérieur (Romadanaple) en forme de débat allégorique entre Amour et Sapience; impatience de Romadanaple à la veille de son mariage, lorsqu’elle elle se plaint du fait que la nuit est longue à passer; dialogue d’amour entre la dame de Carthage et le héros (ch. CCXXXI,8-96; CCXXXIX,2-87; CCXXXIX,4-30; CCCXIX,4-71; éd. Concina, pp. 233-236, 243-246, 270-271, 287-290).