(A) la prose

auteur: anonyme

dédicataire: non mentionné

datationante 1468 (inventaire post mortem de Philippe le Bon)

Doutrepont 1939, pp. 262-264

trois manuscrits (sigles de Colombo Timelli):

(1) Bruxelles, KBR, 7235 (B)

(2 et 3) La première partie du roman en prose – les 17 premiers chapitres, jusqu’au mariage d’Erec et Enide et à leur retour à la cour du roi Lac – a été enchâssée dans deux mss de Guiron le Courtois: Paris, BnF, fr. 363 (P) et Oxford, Bodl. Libr., Douce 383 (O).

organisation du texte

Le prologue, très bref, se limite à rappeler l’existence d’une source en vers et la tâche entreprise par le prosateur, qui ne nomme pas Chrétien de Troyes.

Pas de table des titres dans le manuscrit B: ceux-ci, tracés à l’encre rouge à l’intérieur du récit, divisent la matière en 42 chapitres de longueur inégale; dans P, le contenu des 17 premiers chapitres est distribué en 7 fragments, dont les débuts ne coïncident pas avec ceux du manuscrit complet (dans le f. d’Oxford, le seul intitulé correspond à celui du chapitre 7 de P).

L’épilogue présente de remarquables analogies avec celui du Cligés en prose (voir notice); sans rapport avec l’Erec de Chrétien, il rappelle la vie du couple après le couronnement; répondant sans doute aux préoccupations lignagères typiques du milieu aristocratique bourguignon, le prosateur rappelle même qu’après leur mort, c’est le fils aîné du couple qui régna.

Autre similarité entre les deux proses, l’emploi des mots «histoire» pour désigner la source en vers, «compte» pour indiquer le roman en train de se construire.

Contrairement à celui de Cligés, le «translateur» est très peu présent dans sa mise en prose; on relève une seule intervention à la première personne, au moment où, Enide ayant révélé à son mari les bruits qui circulent à la cour au sujet de sa conduite, Erec décide de partir, seul avec elle: «A cez parollez ne dist mot Erec, sinon qu’il delibera en soi d’esprouver se Enide sa femme l’amoit bien lealment, mais je ne di pas que souspeçon et jallousie fut cause de ceste deliberacion» (f. 29v); ce passage est révélateur de l’interprétation de l’histoire tout entière: pour l’auteur du XVe siècle, la «queste» constitue bel et bien une «épreuve» qu’Erec impose à Enide, alors que Chrétien cache les motivations d’Erec et que dans le roman en vers la «queste» met à l’épreuve les deux époux (cf. les vv. 5203-5205, éd. Roques).

La mise en prose représente en moyenne 50% du texte en vers, même si le traitement n’est pas homogène: le prosateur coupe systématiquement, ou synthétise, surtout les énumérations et les descriptions; par ailleurs, il n’hésite pas à ajouter un épisode – le dernier tournoi (chapitres 41-42) où Erec se bat incognito – bien dans les goûts de la Bourgogne ducale.

Dans les manuscrits P et O, le texte s’amplifie (recours à la polynomie, développements, renvois, gloses) sans que le contenu varie pour autant; néanmoins, quelques variantes dans P révèlent une plus grande proximité avec la source en vers (cf. éd. Colombo Timelli, pp. 60-66).