(A) la prose
- auteur: Jean Maugin d’Angers
- dédicataire: non mentionné
- datation: ante 1549 (editio princeps)
- Doutrepont 1939, pp. 275-280
- manuscrits
Gérard d’Euphrate est transmis uniquement par des imprimés. L’existence d’une édition de 1545 (cf. FVB,19086) est contestée. Editio princeps:Paris, Etienne Groulleau pour Jean Longis et Vincent Sertenas, 1549
- organisation du texte
titre: Le premier livre de l’histoire et ancienne cronique de Gerard d’Euphrate, duc de Bourgongne: traitant, pour la plus part son origine, naissance, amours, et chevaleureux faitz d’armes: avec rencontres et avantures merveilleuses, de plusieurs chevaliers et grans seigneurs de son temps: mis de nouveau en nostre vulgaire françoys. Avec privilege du Roy A Paris Pour Vincent Sertenas libraire, tenant sa boutique au Pallays en la galerie par ou l’on va en la Chancelerie, et au mont saint Hilaire à l’hostel d’Albret 1549
[cartouche avec la devise de Sertenas:] «Vincenti non victo gloria datur»
Le Privilège, prévu pour six livres et de la durée de six ans, est daté 15 novembre 1548 (verso de la page de titre).
explicit: «Fin du premier livre de Gerard d’Euphrate, imprimé à Paris par Estienne Groulleau, pour lui, Jan Longis, et Vincent Sertenas, Libraires. 1549.»
Les premiers ff. sont occupés par quelques pièces liminaires: «Epistre de l’Auteur, aux lecteurs», une série d’épigrammes en vers latins, italiens, français, qui adoptent un ton ironique à l’égard du «Sequanus» (Bourguignon, autrement dit Gérard), et font l’éloge de l’auteur, qui a tiré son héros d’un inévitable oubli. Ces épigrammes sont l’œuvre de Jean-Pierre de Mesmes pour les deux premières et de Jean Maugin, surnommé Le petit Angevin, pour la troisième.
A la fin du texte, l’auteur annonce l’éventualité d’une suite à ce «Premier livre: et, Dieu aydant, nous poursuyvrons au Deuxiesme (selon la pure verité, et outre tous ceux qui en ont escrit par cy devant) la conqueste des Espaignes, faite par le grand Roy Charlemaigne, à l’ayde des nobles Pers, Princes, Barons, et Chevaliers de France: et la temeraire arrogance, presumption, et felonnie, de cest obstiné Duc de Bourgongne» (f. CLXXXVIIv).
La «Table des matieres et sommaires» occupe 6 pages non numérotées.
Le texte est réparti sur 88 chapitres, précédés d’une rubrique.
Les sept premiers racontent la naissance difficile de Gérard, fils de Doolin de Mayence et de Flandrine, et met en scène le monde des magiciens, parmi lesquels le roi Aldéno, qui jouera un rôle essentiel dans le récit, et Berfuné, et ainsi que celui des fées. Celles-ci se pressent auprès du berceau de l’enfant et lui prédisent puissance, bonheur en amour mais aussi un orgueil qui fera beaucoup de mal à la chrétienté et le conduira à une fin tragique (ch. 7).
Commence alors pour l’enfant une première et longue série d’aventures, ses «enfances» (ch. 8-36), au cours desquelles il connaît initiation chevaleresque et initiation amoureuse. A l’âge de quatre ans, le jeune Gérard est enlevé par le diable Friquemoue, puis libéré par Berfuné, mais abandonné sur une barque au péril de la mer (ch. 16). Il est recueilli par un ermite, qui lui donne le nom de «Le Fortuné d’Euphrate», à cause du lieu où il a débarqué. Le jeune homme se porte au secours d’Orsaire de Constantinople et se voit en récompense accorder la main de Fezonne, fille de l’empereur, dont celui-ci ignore le décès (ch. 26). Passant par Damas, Gérard tombe amoureux d’Ameline, fille d’Agaris et devient son ami; séparé de la belle pour ramener à Constantinople le corps de Fezonne, il connaît des aventures fantastiques au château enchanté, œuvre d’Aldéno, et libère seigneurs et dames qui y étaient retenus prisonniers: on l’appellera désormais «Gerard d’Euphrate» (ch. 31). Le héros peut maintenant revenir auprès des siens, être armé chevalier avec ses sept frères et être désigné à Orbandas, résidence de Gérard de Roussillon, comme l’héritier de celui-ci.
Une deuxième série d’aventures conduit de nouveau Gérard en Orient, où il combattra, aidé de ses frères Doon de Nanteuil et Gérardin de Champagne ainsi que d’Aldéno, Agaris, l’adversaire d’Orsaire. Il dompte le Sarrasin, qui se convertit et lui accorde la main d’Ameline: le mariage est célébré par le patriarche de Jérusalem (ch. 48).
La mort de Gérard de Roussillon, prévue par Aldéno, conduit de nouveau Gérard, accompagné par son épouse, à Orbandas, après être passé par Rome où il a été nommé «vicaire général à la temporalité du saint siege apostolique» (ch. 52). Gérard reste longtemps uniquement occupé de son amour pour Ameline, malheureusement stérile (ch. 56). Aldéno remet le héros sur le chemin des exploits chevaleresques, mais il connaît de son côté et en contraste avec ses propos une aventure amoureuse avec la belle Florie qui le rend par deux fois ridicule: le livre magique de Merlin lui apprend en effet que la belle est promise à un chevalier, et Aldéno fait en sorte qu’elle se donne à Gérard, qui engendre en elle Milon d’Auvergne (ch. 63).
Les deux amants se quittent, et Gérard revient à Clermont auprès de son père Doolin, malade, qui meurt bientôt, ainsi que son épouse Flandrine. Il revoit Florie, puis retourne auprès de son épouse Ameline, toujours stérile. Dieu finit par exaucer ses prières et celles d’Ameline et lui donnera quatre fils, Regnier, Cleron, Boos et Escorpion, et une fille, Agreable. Gérard devient de plus en plus orgueilleux, ce que déplore Aldéno, qui le quitte (ch. 73). Florie met au monde un fils, qui est baptisé sous le nom de Milon (ch. 76).
L’avant-dernière partie (ch. 77-87) n’a plus de lien avec l’histoire de Gérard, et l’auteur s’en explique en disant qu’il rendra ainsi plus intelligible «nos deux et troisiesme livres: et par mesme moyen donnera mieux à entendre l’excellente Conqueste d’Orient (des royaumes de Jerusalem et Angorie et des sept fors chasteaux imprenables) faites par le Phoenix de prouësse Regnaud de Montauban» (f. CXXIIr). L’action se déroule en effet au Moyen-Orient (Palestine, Egypte) et met aux prises Orsaire, assisté d’Aldéno, avec les Sarrasins, parmi lesquels la princesse Taburlanie joue un rôle néfaste. La guerre sera terrible et les Chrétiens sont vaincus à Rama. Danemont – qu’on retrouve effectivement dans le Renaut de Montauban remanié – conquiert Angorie, mais Jérusalem est sauvée: les chrétiens peuvent y demeurer en payant tribut à Robastre. La fille de Danemont, Sinamonde, épousera plus tard Aymon, fils de Regnaud. Désormais Aldéno, ayant brûlé le livre de Merlin, se consacrera exclusivement à la piété.
Une brève conclusion (ch. 88) raconte comment Milon, devenu un brillant chevalier, est accueilli par son père Gérard. Le narrateur termine son ouvrage en annonçant dans un deuxième livre la conquête de l’Espagne par Charlemagne et les méfaits causés par l’orgueil de Gérard
Une insertion versifiée (inscription fixant le sort de la malheureuse Tamburlanie, souffrant le supplice du feu) figure au f. CXXXIIr: «Ce mont ardant, nommé de la Vengeance/ Ne tombera jamais en decadance/ Que le Phenix unique de prouësse/ Vers l’Orient n’ait pris voye et adresse/ Et triomphé du Tigre violent./ Le Tigre mort, cest oyseau excellent/ Remettra tost en pleine liberté/ La vision de paix comme a esté./ Lors finiront tous les tourments du corps/ De ceste Royne. Et sur ce sois recors,/ Toy qui as lu la presente escriture/Que ce sera pour faire ample ouverture/ Es bas enfers, a la peine eternelle/ Du malheureux esprit de la cruelle».
Le narrateur introduit «à tour de rôle dans son récit des éléments d’intérêt religieux, militaire/humaniste, magique, rhétorique, amoureux et comique, sans compter la propagande politique» (Cooper 2012, p. 7) le style élevé, les souvenirs épiques, alternent avec l’ironie et l’écriture familière.