(A) la prose
- auteur: anonyme
- dédicataire: non mentionné
- datation: début XIVe siècle
- Doutrepont 1939: aucune mention
- trois manuscrits (sigles de Combes et de Hult):
(1) Paris, BnF, Arsenal, 3480 (Ac, numérisé dans Gallica; ms de base pour les deux éditions)
(2) Paris, BnF, fr. 119 (Aa, numérisé dans Gallica)
(3) Paris, BnF, fr. 122 (Ab; ms de base pour les deux éditions)
- organisation du texte
Cette rédaction n’a pas de titre propre puisqu’elle se fond dans le Lancelot en prose sans démarcation ni signalement. Les deux éditeurs modernes de cette version particulière, D.F. Hult et A. Combes, lui ont octroyé le titre de Conte de la charrette.
Cet intitulé avait été employé dès 1938 par G. Hutchings pour désigner la partie du Lancelot où se trouve transposé le Chevalier de la charrette de Chrétien de Troyes (Le Roman en prose de Lancelot du Lac. Le Conte de la Charrette, Paris, Droz, 1938 [Genève, Slaktine, 1974]). Concernant cette transposition effectuée vers 1210-1220, G. Hutchings distinguait trois rédactions auxquelles elle avait attribué les sigles alpha, béta et béta-béta (pp. XLIV-XLVII; ces sigles ont été repris par A. Micha, «La tradition manuscrite du Lancelot en prose», in Romania, 85, 1964, pp. 478-517, 501-505 et 516-517). A l'écart des groupes correspondant à ces rédactions, G. Hutchings mentionnait l'existence des mss. Aa, Ab et Ac, et elle notait que «la version du Conte de la Charrette contenue dans ces trois manuscrits n'est autre que le poème de Chrétien de Troyes dérimé et mis en prose» (p. XLIV). Cette version dérimée (rédaction gamma, sigle attribué par Combes), produite après la composition du Lancelot-Graal, a donc été substituée à la transposition du roman de Chrétien qui existait déjà.
Comme c’était le cas pour les trois rédactions antérieures, le Conte de la charrette (rédaction gamma) ne présente ni prologue ni épilogue, ni organisation en chapitres. Son découpage interne, marqué par des initiales ornées, correspond aux articulations principales du récit. Le dérimage d’abord très fidèle devient ensuite plus complexe, recourant à l’abrègement mais aussi à l’amplification: «plus le récit avance, moins le dérimage fait montre du respect scrupuleux que l'on constate à son début» (éd. Combes, p. 110). En outre, le remanieur enchâsse dans la trame narrative qu'il reprend à Chrétien des scènes venues du Lancelot (rédaction béta-béta), en les insérant telles quelles ou en les transformant. A l'occasion, il crée des séquences entièrement originales qui visent à clarifier l'intrigue ou, de façon exceptionnelle, à modifier sa signification (ainsi, éd. Combes, § 84-85 concernant les sorts futurs de Perceval, Galaad et Lancelot).
Le mot «compte» est utilisé pour désigner le récit que l'on est en train de lire ou pour faire référence à sa source (en l'occurrence le Chevalier de la charrette de Chrétien de Troyes ou bien le Conte de la charrette dans la rédaction béta-béta ou encore une source imaginaire). Le narrateur de gamma, tout en restant proche de celui du Chevalier de la charrette, affiche une certitude et une autorité plus grandes.