notice rédigée par Maria Colombo Timelli


(A) la prose

- auteur: anonyme

- dédicataire: non mentionné

- datation: date de composition inconnue pour Doutrepont. Vers 1440-1455 d'après Crist 1966-1967, pp. 105-108; entre 1443 et 1452 selon Pinto-Mathieu, p. 15.

- Doutrepont 1939, pp. 235-242 

- douze manuscrits (sigles de Pinto-Mathieu):

(1) Bruxelles, KBR, II-3022 (B; manuscrit de base de l'édition Chouffani El Fassi, lacunes généralement complétées par le ms de Pau). 

(2) Bruxelles, KBR, 18226 (F’). 

(3) Paris,BnF,Arsenal, 3341 (A). 

(4) Paris, BnF, fr. 1611 (C, numérisé dans Gallica). 

(5) Paris, BnF, fr. 1752 (D). 

(6) Paris, BnF, fr. 5609 (E, numérisé dans Gallica). 

(7) Paris, BnF, fr. 12551 (F, numérisé dans Gallica). 

(8) Paris, BnF, n.a.fr. 6213 (G, ms de base pour l’éd. Pinto-Mathieu). 

(9) Paris, BnF, n.a.fr. 14896. 

(10) Pau, AD des Pyrénées-Atlantiques, 20(F) (H). 

(11) Rennes, BM, 594 (I). 

(12) Vaticano, BAV, Reg. lat. 867 (J). 

- organisation du texte

L'œuvre est nommée tantôt Livre de Baudouin (mss 3, 4, 7, 12 de notre liste),tantôt Chronique (mss 1, 8, 11); parfois elle est dépourvue de titre (mss 5, 6).

Seul le manuscrit de Rennes (n. 11) contient un prologue (éd. G. Chouffani El Fassi, I, p. 10; Pinto-Mathieu, p. 348).

La narration, à trame linéaire, est fondée sur la chronologie des rois de France, de 1180 à 1292. Trois récits se détachent de l'ensemble: les aventures de Baudouin, de Ferrant et de Jean Tristan; il s'agit alors d'une suite d'événements autour d'un seul personnage au cœur de l'intrigue.

Le découpage de la matière en chapitres est très variable d’un manuscrit à l’autre: on en compte 74 dans le ms de Rennes (Pinto-Mathieu, pp. 17-18); les titres sont réunis dans une table dans les mss n. 7 et 11.

Le prosateur intervient rarement dans son texte: en l’absence de la source, il est par ailleurs difficile de distinguer ce qui lui revient de ce qui se lisait déjà dans son modèle. Il lui arrive de commenter un usage étranger aux habitudes occidentales («en signe de seureté le soudan en hurta a sa dent, car c’est la coustume des païens d’oultremer», éd. Pinto-Mathieu, p. 38), d’anticiper sur la suite de l’histoire de ses personnages («… fust le conte de Flandrez moult vilainnement emprisonné…, en laquelle prison… le conte de Flandrez fust .XXV. ans acomplis», p. 90; «Mais depuis, en y eut d’aulcuns qui se parjurerent et rompirent leurs sermens», p. 210; «Loÿs… fust couronné a Rains roy de France. Et regna .XV. ans et fut moult redoubté et gouverna bien le royaulme de France», p. 254); les prolepses sont rares («… et trop meschamment luy en prist a la fin de ses jours comme puis apréz vous ourrez ou chappitre ensuivant», p. 118), ainsi que les renvois à ce qui a été raconté («Et en ycelle annee que le conte de Savoye espousa la contesse de Flandrez, Phelipez le Conquereur, roy de France, dont cy devant est parlé, trespassa de ce siecle…», p. 254). L’omniscience du narrateur transparaît ci et là: «Mais il [Jean Tristan] ne sçavoit pas de quel pere il avoit esté engendré, car s’il en eut esté bien informé il n’eust pas ainsy destruit les chrestiens» (p. 300); «mais ilz [Charles de Sicile et Jean Tristan] ne savoient pas qu’ilz fussent sy pres de lignaige comme ilz estoient l’un a l’aultre…» (p. 304). Les interventions exprimant l’entrelacement des épisodes sont rarissimes: «Or lairay cy endroit a parler de l’emperiere et parleray de Baudoin…» (p. 52).


(B) la source

La source en vers, dont ne sont conservés que deux fragments, remonterait au début du XIVe siècle. Au XVIIe siècle, le jésuite Pierre d'Outreman a découvert un fragment de 16 alexandrins en laisses monorimes (les vers appartiennent à deux strophes différentes), reproduits par Reiffenberg (1838), puis par Dinaux (1839). Par la suite, A. Bayot a retrouvé un deuxième fragment, de 160 vers (Bayot 1906: le contenu correspond au siège de la ville d’Aire, puis au départ de Philippe Auguste avec l’armée française pour Tournai, épisodes situés peu avant la bataille de Bouvines). Doutrepont semble exclure que ces deux textes appartiennent au même original (1939, p. 237, p. 240); il constate d’ailleurs des ressemblances entre Baudouin en prose et le Myreur des Histores de Jean d’Outremeuse (voir notice) (1939, p. 239).

Bayot affirme que l’on ne trouve pas dans la prose de passage correspondant aux 160 vers qu’il publie; fortement abrégée, celle-ci se limite à raconter à grands traits la bataille de Bouvines; par ailleurs, le poème est plus fidèle à la réalité historique (Bayot 1906, p. 434). 

 


(C) histoire de la prose

On connaît au moins quatre incunables et six éditions du XVIe siècle:

(1) Lyon [Guillaume le Roy pour Barthelemy Buyer], 1478; 

2) Chambéry, Antoine Neyret, 1484

(3) Chambéry, Antoine Neyret, 1485 [texte de base pour l'éd. Serrure et Voisin 1836]

(4) Paris, Michel Le Noir, 1498

(5) Paris, Michel Le Noir, s.d. [1510 ?]

(6) Paris, Jean Trepperel, s.d. [1504-1511] 

(7) Paris, Veuve Jean Trepperel – Jean Janot, s.d. [ca 1522] 

(8) Lyon, Olivier Arnoullet, s.d. [1520] 

(9) [Paris, Alain Lotrian], s.d.

(10) Paris, Nicolas Bonfons, s.d.

  • NB : Sergio Cappello suppose l’existence d’une édition de Jacques Maillet ante 1489 ornée de bois gravés (Maillet utilise le bois du mariage de Baudoin avec le diable dans son Valentin et Orson du 30 mai 1489) : « Cycles iconographiques et éditions perdues : les incunables lyonnais de Valentin et Orson», in L’Europa o la lingua sognata. Studi in onore di Anna Soncini Fratta, Città di Castello, I libri di Emil di Odoya, 2021, p. 303-312, p. 308.

 

Bibliothèques du XVIIIe siècle

«Histoire de Baudouin, conte de Flandres», in Mélanges tirés d’une grande bibliothèque, V/E, pp. 102-131

A. Delvau, «Baudouin-le-Diable, Geneviève de Brabant», in Bibliothèque bleue. Réimpression des romans de chevalerie des XIIe, XIIIe, XIVe, XVe et XVIe siècles, Paris, Lécrivain et Toubon, 25, 1860

 


(D) bibliographie 

(1) éditions 

C.P. Serrure et A. Voisin, Le Livre de Baudoyn, conte de Flandre, suivi de fragments du Roman de Trasignyes, Bruxelles, Berthot et Périchon, 1836 [sur la base de l’édition Chambéry, A. Neyret, 1485]

L.S. Crist, The Legend of Jehan Tristan: A Study in the Middle French Epic and Romance, HarvardUniversity, 1963 [éd. partielle d'après le ms BnF, fr. 5609]

D. Régnier-Bohler, in Splendeurs de la cour de Bourgogne,Paris, Laffont, 1995, pp. 3-113 [trad. en fr. moderne, d'après l'éd. Serrure et Voisin]

G. Chouffani El Fassi, Edition critique du Livre de Baudouin de Flandre et étude littéraire, thèse sous la dir. de D. Lalande, soutenue sous la responsabilité de D. Bohler, Université de Bordeaux 3 Michel de Montaigne, 1999

E. Pinto-Mathieu, Baudouin de Flandre, Paris, Librairie Générale Française, 2011 [éd. bilingue]

(2) bibliographie critique 

G. Saint-Marc 1864, «Origines de la question d'Orient. II. La société occidentale après les croisades», in Revue des deux mondes, 53, pp. 714-731, 735-738

A. Bayot 1903, «Un manuscrit du Livre de Baudouin de Flandre», in Revue des bibliothèques et archives de Belgique, 1, pp. 361-370 [article beaucoup plus vaste que ne l’indique son titre, il concerne la tradition du texte tout entière, des mss aux imprimés]

V. Fris 1909, «Les sources du Myreur des histors de Jean d'Outremeuse pour l'histoire de Flandre», in Annales du XXIe Congrès de la Fédération Archéologique et historique de Belgique, Liège, H. Poncelet,II, pp. 166-175

Woledge 1954-1975, n. 20

L.C. Crist 1965, «The legendary crucifixion of Jehan Tristan, son of Saint Louis», in Romania, 86, pp. 289-306

L.C. Crist 1966-1967, «The date of the Livre de Baudouin, fullest version of Baudouin de Flandre», in Romance Notes, 8, pp. 105-108

L.C. Crist 1978, «Pierre Desrey et son Histoire de la Croisade », in Mélanges de littérature du Moyen Age au XXe siècle offerts à Mademoiselle Jeanne Lods, Paris, Ecole Normale Supérieure de Jeunes Filles, pp. 153-172

C. Beaune 1986, «La légende de Jean Tristan fils de saint Louis», in Mélanges de l'Ecole française de Rome, Moyen Age, Temps modernes, 98, pp. 143-160

D. Bohler 2004, «Péninsule ibérique et îles de Bretagne: la géopolitique de l’imaginaire romanesque au XVe siècle», in Du roman courtois au roman baroque, Paris, Les Belles Lettres, pp. 279-293

C. Gaullier-Bougassas 2005, «Temps historique et temps romanesque: Saladin et Baudouin de Flandre», in Dire et penser le temps au Moyen Age, Paris, Presses Sorbonne-Nouvelle, pp. 217-244

E. Pinto-Mathieu 2011a, «Baudouin de Flandre: variations autour d'une imposture», in L’imposture dans la littérature, Presses de l’Université d’Angers, pp. 29-42

E. Pinto-Mathieu 2011b, «Le roi Philippe Auguste dans Baudouin de Flandre, un héros épique?», in Le Souffle épique. L’Esprit dans la chanson de Geste. Etudes en l’honneur de Bernard Guidot, Dijon, EUD, pp. 425-433

Suard 2011, pp. 314 et 326

E. Pinto-Mathieu 2016, «Une bâtardise fictive. Le personnage de Ferrand dans Baudouin de Flandre», in Bâtards et bâtardises dans l’Europe médiévale et moderne, Rennes, Presses universitaires de Rennes, p. 489-498

G. M. Roccati 2019, «Chambéry, un centre mineur dans la production incunable», in Le comunità dell’arco alpino occidentale, a cura di F. Panero, Cherasco, Centro Internazionale di Studi sugli Insediamenti Medievali, pp. 237-253

S. Cappello 2021, «Cycles iconographiques et éditions perdues: les incunables lyonnais de Valentin et Orson », in L’Europa o la lingua sognata. Studi in onore di Anna Soncini Fratta, Città di Castello, I libri di Emil di Odoya, pp. 303-312